Rocinha, la plus grande favela du Brésil
Santa-Terezina, favela du Brésil
Diffusion : ces deux films ont été diffusés à la Maison de l’Amérique latine (Paris)
DVD
Correspondances
Cher Çiva,
J’ai passé tes DVD sur les Etats-Unis et le Brésil à mon amie Dominique qui est professeur de cinéma à l’Institut d’anglais. Elle est particulièrement intéressée par AmeriKan PsyKo. Nous pourrons nous rencontrer plus tard car en ce moment ce sont les vacances… scolaires. Pour elle.
J’ai regardé avec passion Rocinha, la plus grande favela du Brésil, car j’apprécie ce que je pourrais appeler sans aucune coloration péjorative, ton incroyable innocence. Je me souviens que tu m’as dit que tu ne parlais pas la langue et que tu ne connaissais pas vraiment les lieux. Je dirais qu’en cette occasion, c’est ton atout. Nous te suivons toi suivant le gouverneur de la favela et nous voilà entrainé. Dans un mouvement montant, essoufflant, labyrinthant, fouinant, fait de rencontres dans les escaliers des ruelles, dans les recoins des baraques. Dans ce film tu fais vraiment office de caméra-œil, de kinoglaz comme dirait notre ami Dziga Vertov. Nous somme bien là, Nous sommes dedans, nous sommes avec. Et comme le dit une jeune carioca avec qui tu parles : quand on est arrivé à pénétrer la favela, on s’y sent vraiment bien. Finalement c’est la démonstration d’une loi générale, nous ne pouvons aimer et apprécier que ce que nous acceptons de connaître avec la plus grande ouverture possible. Et ta petite caméra est bien ouverte.
Je retrouve moins cette position ouverte dans ton second film brésilien, Santa Terezinha, périphérie de Bahia. Autant les scènes avec les enfants dans la cour de l’école sont pleines de vie parce que tu es avec eux. Autant cette femme, soixante-huitarde sur le retour au lieu de nous amener à une meilleure compréhension, ne serait-ce que parce qu’elle a passé une grande partie de sa vie là, parle les langues et pourrait donc servir d’intermédiaire – ce qui au cinéma, où l’image prime, est tout à fait aléatoire -, finit par être une sorte de bouclier, de mur entre toi et ceux de la favela. Son discours didactique et « froid » crée un déséquilibre avec les scènes vivantes et « chaudes » du quotidien que tu sais très bien filmer. Autant le gouverneur de Rocinha, bien ancré dans sa réalité, est un bon guide, autant la dame française de Santa Terezinha, déportée dans une réalité « autre », est une sorte d’handicap… cinématographique, bien sûr. C’est, je crois, toujours la délicate question du choix du personnage-pivot dans un film-document. Avec ton grand-père, ce problème ne se pose pas… Comparaison difficile ! Evidemment.
Voilà Çiva, je te livre mon sentiment avec sincérité et espère te voir bientôt. Peut-être demain, si tu es libre et que cela te dit…
J’en ai un peu marre de t’écrire alors que tu habites au coin de la rue mais c’est peut-être un bon exercice… pour toi comme pour moi.
Je continue de visionner les DVD que tu m’as passés dans l’ordre que tu m’as indiqué. En bonne élève que je suis. Bisous.
Michèle